Les inquiétudes des futures mamans à la perspective d’allaiter

Article rédigé par Myriam Panard, consultante en lactation certifiée IBCLC

Dans l’attente d’un heureux événement, il est tout à fait normal, quel que soit votre tempérament, d’éprouver certaines inquiétudes, voire des peurs et même une certaine forme d’anxiété d’autant plus si le climat dans lequel vous évoluez est particulièrement anxiogène. Vous vivez dans une culture où la grossesse fait l’objet de nombreuses surveillances médicales, où les contrôles, les interdits, les mises en garde sont légion. L’accès à internet peut également renforcer vos appréhensions en vous présentant des scénarios cauchemars. Par ailleurs, vous savez que les accouchements sont de plus en plus médicalisés et que l’accompagnement en post-partum nécessaire à un bon démarrage de l’allaitement n’est pas toujours au rendez-vous. Les conditions ne sont donc pas réunies pour que vous viviez une grossesse complètement sereine. Or, il est tout à fait possible de gérer vos craintes en vous informant au préalable auprès de sources sûres et mieux encore avec une personne d’expérience qui saura vous aider à trouver des solutions adaptatives qui vous correspondent, avant et après votre accouchement.

Attendre un enfant, le mettre au monde, le nourrir, l’élever, l’éduquer est un voyage qui comporte une bonne part d’inconnu,avec sur votre route des chamboulements émotionnels, parfois des souffrances physiques et psychologiques, des remises en question personnelles, des ajustements, des compromis mais heureusement…ce voyage, même s’il est semé d’embûches, vous procurera beaucoup de moments de grand bonheur.

L’inconnu fait peur mais rappelons que la peur est, par définition, une émotion accompagnant la prise de conscience d’un danger, d’une menace, d’une difficulté et qu’elle n’est en soipas négative, elle est d’ailleurs tout à fait légitime.

Face à cette peur d’allaiter et en fonction de son histoire personnelle trois types de réactionsse dessinent :

-l’évitement : on évite de parler du sujet et on pense qu’il sera grand temps de s’en préoccuper en situation concrète au moment de la naissance, ce qui représente inévitablement une certaine prise de risque, mais pourquoi pas ?

-la fuite : on prend la décision dès la grossesse de ne pas se lancer dans l’aventure car on ne se sent pas en accord avec un tel investissement personnel. Ce comportement pourrait être qualifié de lâche, d’immature, d’égoïste mais à chacune son chemin et je me garderai bien d’émettre de jugement de valeur ! De plus, comme le cerveau humain présente une grande plasticité, en fonction des circonstances il peut y avoir revirement de la décision préalable…pour le grand bien du bébé !

-l’affrontement : on s’approprie l’idée, on s’informe, on se débarrasse des idées reçues perpétrées par notre culture et on devient déterminé à allaiter quelles que soient les difficultés liées aux circonstances ou à un entourage peu soutenant. On a confiance en soi !

Voici 7 grandes inquiétudes courantesque l’on peut identifier :

  1. La peur d’accoucher trop tôt et d’être séparée de votre bébé

Vous craignez une naissance prématurée, soit parce que vous avez déjà vécu des fausses couches, soit parce que cette grossesse arrive après un long parcours de procréation médicalement assistée, soit parce que vous souffrez de certaines pathologies, soit parce que vous attendez des jumeaux ou plus. Il est important de savoir que la prématurité n’entrave pas votre capacité de lancer votre lactation. Elle peut en effet se mettre en place grâce à un accompagnement bienveillant qui vous aidera à diminuer le stress, un bon tire-lait, des massages des seins, des moments quotidiens de contact en peau en peau avec votre (ou vos) bébé(s)dès que les conditions le permettent. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’un bébé a été séparé de sa maman les premières semaines de vie qu’il ne sera pas capable de téter au moment venu.

  • La peur que votre bébéne rejette le sein

Il arrive qu’un nouveau-né à terme et en bonne santé ne réussisse pas à prendre le sein tout de suite après sa naissance, ni parfois les premiers jours, voire dans certains cas les premières semaines. C’est une situation très frustrante pour la maman mais là encore il est important d’avoir confiance en son bébé, de multiplier les contacts corporels et de comprendre les raisons pour lesquelles votre bébé ne peut pas encore téter. Avec un bon soutien psychologique et pratique les choses en général s’arrangent.

  • La peur de souffrir, d’avoir une montée de lait douloureuse, les seins abîmés, les mamelons crevassés

Il est vrai que la perspective d’avoir mal n’est pas réjouissante mais les crevasses ne sont pas un passage obligé. Un bébé bien positionné, qui n’a pas de trouble de succion et qui a accès au sein très souvent ne blessera pas les mamelons. De plus, si vous prenez l’habitude de bien connaitre vos seins en les massant, vous intégrerez ces gestes qui vous permettront de minimiser la congestion des seins lors des changements hormonaux de la montée laiteuse. Pour vous rassurer, ce n’est pas l’allaitement qui abime les seins, mais plutôt les régimes yoyo, le manque de soutien confortable pour votre poitrine, les postures courbées, le manque d’élasticité, de densité de votre peau.

  • La peur de ne pas avoir assez de lait ou d’avoir un lait de moindre qualité et d’affamer votre bébé

Il est certain qu’on entend souvent : « j’ai dû sevrer mon enfant ( ou passer à un allaitement mixte) parce que je n’avais pas assez de lait » « on m’a dit que mon lait n’était pas assez riche, c’est pour cela que mon bébé ne prenait pas assez de poids ». Là encore toute femme sauf rares exceptions est capable physiologiquement de produire assez de lait pour son bébé et son lait sera toujours d’excellente qualité. C’est souvent la perception de manque de lait qui domine et non la réalité. Au moindre doute, notamment lors des jours de pointe durant lesquels votre bébé voudra tout le temps téter, le recours à une personne expérimentée vous permettra de passer le cap. Il est vrai que dans une culture où tout est mesuré, chronométré, évalué, il est difficile de lâcher prise lorsqu’on ne peut justement pas savoir ce que prend exactement un bébé au sein, mais qu’importe, il y a des signes qui ne trompent pas .

  • La peur de vous sentir trop attachée à votre bébé d’où la peur de la séparation, du sevrage

Il est vrai que par les contacts corporels répétés, les échanges de regard, les câlins inévitables qui accompagnent l’allaitement au sein, le lien qui vous unit à votre bébé est ancré dans toutes vos cellules et semble d’autant plus fort parce qu’incontrôlable. C’est comme vivre une histoire d’amour avec cette envie irrépressible d’être aux côtés de la personne aimée, de pouvoir la toucher, l’embrasser et de vous sentir triste lorsque vous n’êtes pas ensemble. Vous sécrétez plus d’ocytocine lorsque vous allaitez, il est donc normal de ressentir cet attachement et d’avoir peur du moment où vous aurez moins de contact lors de la reprise du travail par exemple ou d’une certaine mesure lors du sevrage. Selon votre personnalité, vous pouvez mêmevivre cette séparation comme un déchirement mais faut-il pour autant se priver d’amour pour éviter toutes ces émotions ?L’être humain a une grande faculté d’adaptation et si la situation vous est intolérable, le mieux est de verbaliser votre anxiété auprès d’une personne qui saura vous accompagner pour passer cette étape.

  • La peur que votre compagnonne trouve pas sa place

L’allaitement devrait être considéré comme un projet de couple, un cadeau de bienvenue que vous offrez à votre enfant, c’est une décision éclairée à prendre à deux. Il devrait donc y avoir accompagnement réel, pour le meilleur et pour le pire, un vrai travail d’équipe pour cette noble entreprise. La maman nourrit le bébé de son lait et lui procure une sécurité émotionnellegrâce à la proximité corporelle, le papa quant à lui nourrit son bébé d’attention, de protection, de bienveillance. Assurer le confort de sa compagne, la relayer dans les soins du bébé, lui prodiguer des massages ainsi qu’au bébé, endormir le bébé en le berçant ou lui chantant de douces comptines, faire des petites siestes avec lui en contact peau à peau, sortir le promener, jouer avec lui, le faire sourire ou rire aux éclats( lorsqu’il en est capable)…Tout cet investissement de la part de votre compagnon ne fera que renforcer les liens qui vous unissent et le fera se sentir fier,utile et reconnu. Grâce à cette entraide et une bonne communication entre vous,  votre vie de couple, certes différente de celle que vous aurez vécue avant l’arrivée de votre (ou vos) enfant(s) n’en sera que plus riche.

  • La peur de grossir ou de devoir avoir une alimentation spéciale, voire contraignante

La lactation fait dépenser des calories supplémentaires, ce qui permet de brûler les graisses stockées à cet effet pendant la grossesse. Sivous avez une alimentation équilibrée, en ne mangeant ni trop salé, ni trop sucré, ni trop gras comme le préconise le programme national de nutrition et santé (PNNS)et que vous privilégiez les aliments sains, de bonne qualité et variés, vous perdrez facilement du poids sauf si vous avez un problème de métabolisme ou de rapport pathologique avec la nourriture. Si vous êtes dans ce cas, vous pourriezfaire appel à un naturopathe ou nutritionniste spécialisé et si besoin un psychologue. L’allaitement ne devrait pas être contraignant en terme d’alimentation alors faites-vous plaisir tout en gardant un certain équilibre, votre lait sera toujours très bon pour votre bébé et si toutefois votre nourrisson souffrait de véritable inconfort gastro-intestinal ( ex :reflux, coliques intenses) revoyez votre alimentation avec un spécialiste ou prenez rendez-vous avec un(e) consultant(e) en lactation.

Pour vous aider à estomper ces peurs, entourez-vous de gens positifs qui dégagent une belle énergie et qui ont vécu de belles histoires d’allaitement, ils vous diront tous que même si les débuts peuvent être délicats, exigeants, parfois déstabilisants, le jeu en vaut la chandelle et vous ne regretterez pas la décision de vous être accrochée.Grâce aux hormones sécrétées durant la lactation,l’allaitement apaise et augmente la confiance en vous.

Vous deviendrez fière d’avoir surmonté les difficultés et prendrezprogressivement un réel plaisir à savoir que votre bébé s’épanouit grâce à votre lait, vos contacts étroits, vos regards, vos caresses, vos échanges…L’allaitement est avant tout une relation où le papa a également toute sa place. C’est à la fois une épreuve de développement personnel et de couple, cela vous fait grandir et change votre rapport au monde, vous devenez alors plus altruiste, plus empathique grâce à votre bébé et à toutes les attentions qu’il vous demande.

Si vous prenez soin de vous mutuellement, si vous savez prendre le temps de vous relaxer vous gagnerez en patience, en persévérance et en efficacité car vous aurez un meilleur sens des priorités et saurez apprécier le présent en pleine conscience.

L’allaitement est comme un cadeau que la vie vous offre alors acceptez-le avec joie et positivité !

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